Saint-Benoît
De l’église primitive du 13e siècle pouvant avoir appartenu à un couvent de bénédictins qui aurait disparu aux guerres de religion, il ne reste que la base des piliers de la première travée de la nef et un autel de la même époque découvert pendant les travaux de rénovation vers 1945 et conservé dans une chapelle latérale.
C’est à ce moment que Nicolas Greschny a peint les fresques imposantes qui couvrent les murs. En particulier la vie de saint Benoît:
et la fresque de la Nativité commentée par le Père Soulié:
Nicolaï Greschny a réalisé de nombreuses nativités. Chacune est un mini traité de théologie et de spiritualité sur l’Incarnation, ce mystère de la venue du Fils de Dieu parmi nous. Une des plus riches est à Saint-Benoît de Carmaux. Elle se situe dans la chapelle dédiée à saint Joseph, à gauche en regardant l’autel.
Que voyons-nous ?
En premier la Vierge Marie, presqu’au centre de la composition ; l’enfant Jésus la regarde ; saint Joseph échange un regard avec Marie ; entre Marie et Joseph l’âne et le boeuf ; derrière, la terre sous un ciel étoilé, avec une étoile plus grande que les autres ; au pied du berceau, un petit feu. Nous retrouvons l’essentiel de ce que les évangélistes nous rapportent de la naissance de Jésus à Bethléem et des représentations traditionnelles de la crèche, toujours riches de sens.
SAINT JOSEPH
Joseph face à Marie ! Habituellement Greschny peint saint Joseph à l’arrière de la Vierge Marie et de l’enfant Jésus. À Saint-Benoît, il le place en face de la Vierge Marie. Serait-ce parce que cette nativité se trouve dans une chapelle dédiée à Joseph, en face de celle de la Vierge Marie ? Par cette disposition, Joseph n’est pas effacé en retrait ; son rôle et sa place sont mis en évidence.
Joseph sur le roc ! Saint Joseph est toujours assis, non pas sur un tabouret d’étable, mais sur un rocher émergeant du sol. Il est cet homme “juste“ parfaitement ajusté au Seigneur.
Il s’appui sur lui et accompli ses volontés (Matthieu 1,19). Il vit ces paroles qui reviennent souvent dans la Bible : Le Seigneur est mon roc, mon rocher“ (cf. Ps 17,3 ; 27 ; etc.).
Joseph face au mystère ! La tête appuyée sur sa main, Joseph regarde Marie avec un visage perplexe, interrogatif. L’explication courante et facile est celle du mari qui se croit trompé par son épouse.
Il faut lui préférer une autre explication plus profonde, davantage en cohérence avec les récits évangéliques. Car saint Joseph a du être le premier informé par sa “promise“, de la visite de l’ange Gabriel et ceci sans attendre que la grossesse se devine. Des fiancés ne se confient-ils pas leur secret ! Sachant cela, Joseph “qui était un homme juste“ est devant un cas de conscience : “Je ne peux pas épouser la Vierge Marie, et faire croire que c’est moi le père de cet enfant à naître. Ce serait prendre la place de Dieu, et ne plus être ajusté à Dieu”. D’où son projet de se séparer de Marie, et ensuite les instructions qui lui sont données par le Seigneur durant son sommeil, comme nous le rapporte saint Matthieu. (Mat. 1, 18-25)
Mais Joseph est devant un grand mystère ; tourné vers la Vierge Marie il semble l’implorer : “Désolé, je ne comprends rien, ou pas grand chose à cet événement que toi, Marie tu me montres ; mais tu peux m’aider à mieux le comprendre.“
MARIE ET L’ÉGLISE
JOSEPH ET NOUS
Ceci nous ouvre un autre niveau de sens, certainement voulu par Nicolaï Greschny, si on est attentif aux regards. En effet Jésus regarde Marie, et Marie, figure emblématique de l’Église, échange son regard avec Joseph en lui montrant le Sauveur.
Jésus le Sauveur est celui qui est tourné vers l’ensemble des baptisés constituant l’Église. Il la sauve par sa croix et sa résurrection. Il la nourri de son corps eucharistique. Les chrétiens en tant que corps constitués en tant qu’Église sont chargés comme Marie de montrer Jésus, de le prier et d’en témoigner. Dans sa première lettre saint Jean écrira : “Nous qui avons vu, nous attestons que le Père a envoyé son Fils comme Sauveur du monde.“ (I Jn 4, 14). Mais chacun d’entre nous, pris individuellement, nous sommes comme saint Joseph : bien loin de comprendre ce mystère central de notre foi. Aussi cette nativité nous invite à tourner notre regard et nos recherches vers l’Église guidés par Marie, la première sur le chemin de
notre foi.
NON PAS UNE GROTTE MAIS LA TERRE !
Les personnages ne sont pas dedans mais devant de ce qu’on prend à tord pour une grotte. En fait c’est la terre. Avec le ciel étoilé, elle fait référence à l’attente exprimée par le second Isaïe bien des siècles auparavant : « Cieux, distillez d’en haut votre rosée, que, des nuages, pleuve la justice, que la terre s’ouvre, produise le salut, et qu’alors germe aussi la justice. » (Isaïe 45,8)
UN FEU !
Nicolaï peint un feu au pied de la crèche à la différence d’autres nativités où le feu se trouve près de Joseph, derrière la Vierge Marie et le nouveau-né. Il ne peut qu’intriguer : s’il était là pour réchauffer, il est bien dérisoire. Dans une étable il est même dangereux. De plus il ne produit pas de fumée.
Pourquoi donc ce feu ? Dès les premiers siècles, les Pères de l’Église ont vu dans le buisson ardent, au désert du Sinaïe, d’où le Seigneur s’est adressé à Moïse, (Exode 3,2-5) une annonce et une préfiguration de la naissance virginale de Jésus. Le feu de ce buisson qui brûle sans se consumer, préfigure la virginité très pure, de Marie, qui demeure intacte dans sa maternité. La voix de Yahvé qui s’adresse à Moïse n’est autre que le Fils, Verbe de Dieu (cf. le Prologue de l’évangile de Jean). Les morceaux de bois de ce feu sont disposés en croix : un rapprochement de plus entre Noël et Pâques.
L’ÉTOILE
En opposition avec le feu, dans le coin supérieur à notre gauche, une autre lumière : l’étoile des mages dont les rayons se dirigent vers Jésus, direction renforcée près de Jésus par l’orientation des mains de la Vierge Marie.
L’ÂNE ET LE BOEUF
Ils sont toujours présents dans les nativités comme dans nos crèches de Noël. Le prophète Isaïe nous en donne la raison : « Le boeuf connaît son propriétaire, et l’âne, la crèche de son maître. Israël ne le connaît pas, mon peuple ne comprend pas. » (Isaïe 1,3). Une invitation à savoir reconnaître comme l’âne et le boeuf, le Sauveur en cet enfant et à mieux comprendre ce mystère de Noël.
LA VIERGE MARIE
Comme sortant de cette béance de la terre : la Vierge Marie. En elle et par elle, la planète terre a produit le salut : cet enfant nouveau né, Jésus. Le drap sur lequel elle repose évoque sa mandorle reconnaissable aux six doubles rayons. Il épouse son corps allongé ; mais elle fait aussi penser à l’enveloppe du grain qui a germé et donné son fruit.
Nicolaï représente Marie habillée somptueusement comme les impératrices de l’époque : robe bleue et tunique rouge. Elle est l’aboutissement du salut attendu, comme un point culminant de l’humanité, bénie entre toutes les femmes, la mère de Dieu. la théotokos. L’inscription au dessus de l’âne nous le rappelle.
Sur son front et ses épaules, une croix : dès la naissance du Sauveur, la Vierge Marie est associée à la croix de son Fils.
Sa main droite montre l’enfant Jésus. Sa main gauche est levée : geste de la prière. Marie est la première des orantes. Nous lui demandons souvent de « prier pour nous ». Cette main levée est aussi le geste de l’attestation : cet enfant qu’elle montre est bien le Fils de Dieu fait homme.
L’ENFANT JÉSUS
Cette représentation de l’enfant Jésus est plus théologique et spirituelle que réaliste.
Jésus : Fils de Dieu, Sauveur.
Cet enfant sauvera le monde par sa croix glorieuse, peinte sur son auréole dorée. Son visage n’est pas celui d’un nouveau-né ni même d’un adulte mais plutôt celui d’un adolescent. Pensons à l’épisode de Jésus à douze ans, au temple de Jérusalem, assis au milieu des docteurs les écoutant et les interrogeant. Sa réponse à Marie : « Je dois être aux choses de mon Père » (Luc 2,49), confirme son identité de Fils de Dieu et de Sauveur du monde.
Jésus : pain de vie
Dans le récit évangélique, Luc raconte que Marie déposa son enfant dans une mangeoire. (Luc 2,7). Celle peinte par Greschny est déjà la pierre tombale où son corps sera déposé, mais aussi l’autel sur lequel il se rend présent lors de la célébration de toute eucharistie.
À Saint-Benoît, Greschny représente le corps de Jésus comme un pain, alors qu’habituellement il est enveloppé de bandelettes en référence à son ensevelissement. Il est le pain vivant donné pour la vie du monde. (Jean 6,27 …)
Jésus, lumière du monde
Les brins de paille de cette crèche-berceau – pierre tombale – autel, deviennent des rayons lumineux. Jésus est cette lumière du monde annoncée par le prophète Isaïe : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi » (Isaïe 9,1). Elle se manifestera dans la synagogue de Capharnaüm au début de la prédication du Seigneur (cf. Mat. 4,12 …)